Les marchés anarchiques au Gabon : un problème de santé publique

30 Juin 2012   |   Expert  |  3 Commentaires

Plusieurs voies s’élèvent depuis un certain temps pour défendre ou condamner l’occupation anarchique des espaces publics, particulièrement les trottoirs aux abords des rues par les commerçants des produits alimentaires. Les enjeux sociaux que d’aucuns opposent aux enjeux juridiques éludent la problématique de santé publique. En effet, entre la légitimité et l’intervention administrative brandies par les uns et le registre compassionnel, voir moral, par les autres, il faut tenir compte de ce qu’il y a de plus important : la santé publique.

La route et ses trottoirs, peu importe la densité de la circulation automobile, sont des lieux à fort taux dépolluants rejetés par les pots d’échappement. Ceux-ci résultent de la réaction de combustion d’hydrocarbures extraits du pétrole (essence ou diésel) et d’un grand nombre d’additifs. Les gaz d’échappement contiennent :

  • des gaz à effet de serre (GES) : dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4) et protoxyde d’azote (N2O) ;
  • des polluants conventionnels : monoxyde de carbone (CO), dioxyde de soufre (SO2),oxydes d’azote (NOx) et composés organiques volatils (COV) ;
  • les particules et les polluants secondaires.

Les particules sont un ensemble de substances à l’état microscopique de l’ordre du micron [(un micromètre (μm) = un millième de millimètre)], solides ou liquides restant en suspension dans l’air pendant une durée qui est fonction de leur taille (de quelques jours pour les plus grosses à quelques semaines pour les plus fines). Les particules ont plus d’effets nocifs sur la santé que tout autre polluant.

Les automobiles émettent des polluants toxiques qui sont absorbés par la peau et inhalés par voies respiratoires

Même s’il est difficile actuellement de fournir des chiffres sur la santé environnementale au Gabon, il serait inexact de croire que les polluants rejetés par les automobiles n’ont aucun impact dommageable sur la santé humaine. Aux États-Unis, au Canada, en France et en Allemagne où les études sanitaires et environnementales sont fréquentes, il a été démontré que les particules générées par les automobiles pénètrent dans le corps à travers la peau ou sont ingérées via les voies respiratoires. Il est également établi que les particules d’un diamètre supérieur à 10 μm sont expulsées des voies respiratoires alors que les plus fines, celles de 3 à 10 μm se déposent au niveau de la trachée et des bronches. Celles de moins de 3 μm pénètrent dans les alvéoles pulmonaires et peuvent passer dans le sang (et contaminer le fœtus par exemple) ou être bio-accumulées dans les organes internes et être à l’origine de problèmes de santé majeurs ou servir de vecteurs (cas des particules solides) à différentes substances toxiques voire cancérigènes ou mutagènes comme les métaux lourds.

Ainsi plus les particules sont fines, plus elles sont dangereuses pour la santé car elles peuvent pénétrer plus profondément dans l’organisme. Elles sont suspectées être à l’origine d’un éventail non exhaustif de problèmes de santé tels que l’asthme, les bronchites ou les cancers pulmonaires. En Europe par exemple, des études ont montré une corrélation entre l’augmentation de décès prématurés dus aux maladies cardio-vasculaires ou pulmonaires et l’augmentation de la pollution due aux particules atmosphériques.

Il existe même des pathologies directement liées aux métaux lourds inhalés ou ingérés. C’est le cas des métaux du groupe platine qui causeraient la perte de cheveux dans certaines chimiothérapies, en plus d’être potentiellement cancérigène à forte dose. Les métaux sont non biodégradables, ils sont donc susceptibles d’être bio-accumulés. Ils pourraient facilement franchir les muqueuses pulmonaires et les barrières intestinales en cas d’inhalation et/ou d’ingestion. De plus, du fait de leurs pouvoirs catalytiques, les platines pourraient contribuer à la pollution photochimique et affecter les plantes, les champignons ou les bactéries.

Les gaz à effet de serre affectent la fonction pulmonaire

Les polluants conventionnels ou les gaz à effet de serre ne sont pas en reste dans les dommages causés à la santé humaine. C’est le cas de l’ozone relâché par les véhicules au niveau du sol, également appelé ozone troposphérique (à ne pas confondre avec la couche d’ozone dite stratosphérique qui protège contre les rayons UV). Il est la résultante de la combinaison des composés organiques volatils (COV et NOx) et est extrêmement nocif pour la santé des populations, des plantes et pour l’environnement. En effet, l’ozone pénètre profondément l’appareil respiratoire où, à des concentrations élevées, il peut baisser la fonction pulmonaire, entraîner des réactions inflammatoires ou l’aggravation des crises d’asthme. L’ozone causerait chaque année en Europe (UE – 25) plus de 21 000 décès et 14 000 hospitalisations pour problèmes respiratoires.

Certaines combinaisons sont extrêmement nocives pour la santé humaine. C’est le cas de l’ozone et des particules en suspension qui vont constituer les principales composantes du smog (un nuage de pollution) émis notamment par les moteurs Diésel et qui est particulièrement dangereux pour les jeunes enfants, les personnes âgés et celles souffrant de difficultés respiratoires.

Le Benzène est un COV cancérogène classé numéro 1, selon le centre international de la recherche sur le cancer, un organisme indépendant de l’OMS. Un gaz tel que le monoxyde de carbone (complètement incolore et inodore) détruit irrémédiablement les cellules nerveuses. Les oxydes d’azotes, un mélange de gaz oxydants, très toxiques pour les poumons, contribuent comme le dioxyde de soufre au phénomène des pluies acides, etc. Toutes ces données montrent à suffisance le danger que représentent les bordures de route.

Par ailleurs, une étude menée par l’Association Santé Environnement France (ASEF) montre que les enfants en poussette, c’est-à-dire qui ont le nez à la hauteur des pots d’échappement comme les vendeuses et vendeurs du Gabon qui sont assis parfois à même le sol avec leurs marchandises, souffraient directement des gaz émis par les voitures. L’ASEF a en effet montré que lors de déplacements au centre ville, le taux de particules fines respirées par les enfants dans une poussette était deux fois supérieur au taux recommandé par l’OMS.

En d’autres termes, les commerçants gabonais qui vendent en bordure de routes et leurs marchandises sont exposées à la pollution automobile, et celle émanant de l’insalubrité (routes poussiéreuses non balayées, animaux infestés, bactéries, insectes etc.).

Les personnes commerçant en bordure de route ainsi que les consommateurs sont exposés à des risques de pathologies graves

Ainsi, en tenant compte de ce qui précède, nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que les commerçantes qui exercent en bordure de route au Gabon sont des sujets à risque qui pourraient développer des pathologies graves  et que les produits vendus sont des vecteurs potentiels de polluants. Ils peuvent donc être impropres à la consommation. En définitive, la vente de produits alimentaires en bordure des routes n’est pas une action bénéfique pour la santé des vendeuses et de celle de leurs clients.

Gabiomed est disposé à travailler avec les autorités compétentes pour, entre autres, développer des stratégies de prévention et la mise en place d’une veille environnementale portant sur la qualité de l’air, de l’eau et du sol, et ainsi évaluer les conséquences sur la santé humaine.

Connaitre la qualité de l’air dans les grandes villes du Gabon permettrait de mener des études épidémiologiques pour avoir des données réelles et fiables des pathologies résultant de l’exposition aux polluants environnementaux. Ce type d’études, d’ailleurs réalisables avec l’appui et la collaboration financière de l’OMS permettraient à notre pays d’envisager des politiques de prévention efficaces avec des effets immédiats sur la qualité de vie des Gabonais.

Publications Gabiomed

3 Commentaires

  • Très intéressant. Pas rassurant mais très intéressant… Bravo pour l’envie de faire bouger les choses et lancer des études épidémiologiques sur le sujet.

  • La prise de conscience est LA CHOSE LA PLUS IMPORTANTE surtout si les consommateurs pouvaient s’abstenir de consommer ces produits exposés

  • Je pense que les autorités devraient procéder à une campagne d’information sur la dangerosité de ces produits à long terme. Mais aussi regarder du coté du parc automobile, notamment certains taxis et clandos qui pour la plupart devraient être exclus de la circulation.

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